Sauvons les enfants

C’est avec grand plaisir que je vous présente ce texte d’un·e contributeurice ponctuel·le. Sur un ton ironique et délicieusement acide il dénonce les arguments fallacieux utilisés par les médecins pour légitimer la médicalisation des jeunes intersexes.
Ce texte vous fait réagir ? Vous l’aimez ? Vous trouvez qu’il y va un peu fort ? Il vous a fait découvrir des choses que vous n’imaginiez pas ? N’hésitez pas à laisser des commentaires. L’auteur·e sera disponible pour y répondre.

Enfin, je profite de l’occasion pour le redire : « Témoignes et savoirs intersexes » est un blog participatif. Tous les pluriels dans ce nom viennent signifier cette invitation à des participations variées. Nous le savons toustes, prendre la parole est difficile pour beaucoup d’entre nous. Cependant, sachez que si vous êtes intersexes et que vous avez envie de partager des écrits (témoignages, analyses, coups de gueule, fictions…) mais aussi diverses productions graphiques, n’hésitez pas à les proposer en passant par Twitter ou Facebook. Chaque voix compte, qu’elle qu’en soit la forme.

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TW : Intersexophobie, transphobie, mention de mutilations, de racisme, grossophobie

Sauvons les enfants intersexes. Leurs caractéristiques sexuelles les exposent à la stigmatisation dans la cour d’école. Il faut raccourcir les clitoris trop longs, faire descendre les testicules, remonter l’urètre : une petite fille doit avoir un petit clitoris sinon elle sera harcelée, et un garçon doit faire pipi debout, sinon il sera la risée des autres !

Sauvons les petites filles. Les femmes sont beaucoup plus exposées aux violences, en particulier sexuelles, à la précarité, aux bas salaires. Elles sont discriminées, harcelées partout. Evitons ça à nos enfants : procédons à une phalloplastie dès le plus jeune âge, avec prothèse et pompe, et fermons le vagin. De toute façon, on retirera tout ça avant la puberté : le col de l’utérus, c’est cancérigène. Si on a laissé les gonades trop longtemps et que l’enfant a développé de la poitrine : mammectomie bilatérale. Le cancer du sein est trop répandu chez les personnes qui en ont. Pas besoin d’ovaires : un traitement hormonal de substitution fera parfaitement l’affaire, avec l’avantage de permettre le développement d’une pilosité faciale préservant les femmes de la violence patriarcale.

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Victorian Order of Nurses for Canada Headquarters. Library and Archives Canada

Sauvons les enfants non-blancs. Ils sont exposés au racisme très jeunes. Mettons en place des traitements éclaircissants dès la naissance, pour qu’ils soient efficaces au plus vite. Les taux de complications sont assez bas pour prendre le risque. Certes, beaucoup de personnes ont dénoncé les soi-disant conséquences néfastes pour la santé, mais c’est seulement ceux qui ne sont pas contents qu’on entend : on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure ! Veut-on vraiment exposer les enfants au racisme dès le plus jeune âge ? Cela détruit des psychés, vous savez.

Sauvons les enfants roux. Les roux sont souvent harcelés dans la cour d’école. Mettons en place une détection systématique du gène de la rousseur pour pouvoir mettre en place des interruptions médicales de grossesse au cas où le fœtus serait porteur du gène : cela évitera une vie de souffrances, pour l’enfant et ses parents. Pour les enfants non détectés, une thérapie génique pourrait être une voie intéressante. Les coûts sont élevés, mais le bien-être psychique d’un enfant n’a pas de prix. Et puis, si on veut des études de conséquences des thérapies géniques à long terme, il faut bien commencer quelque part.

Sauvons les enfants présentant un potentiel d’indice de masse corporelle supérieur aux normes. Ces enfants ne sont pas gros. Nous pouvons empêcher qu’ils le deviennent. Il suffit de poser des anneaux gastriques à tous les bébés un peu trop potelés. Opérés très jeunes, ils ne s’en souviendront pas et prendront naturellement l’habitude de moins manger, sans se retrouver dans une situation de stigmatisation. Cela permettra aussi à leurs parents de mieux se connecter à eux, car quand votre enfant ne correspond pas aux normes de beauté, c’est difficile de s’y attacher et de les aimer.

Sauvons les enfants anormaux du harcèlement des cours de récréation.
Vous savez, les enfants sont méchants.

Note : toutes ces recommandations et arguments sont inspirées de recommandations et arguments réels de médecins et d’institutions de santé à l’encontre d’enfants intersexes.

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