La formation discursive de sexe-genre-sexualité médico-éducative

Article basé sur le chapitre 4 de la thèse en sciences du langage de Noémie Marignier intitulée « Les matérialités discursives du sexe – La construction et la déstabilisation des évidences du genre dans les discours sur les sexes atypiques »

Attention, il y a de nombreuses citations d’articles médicaux et de propos de parents qui sont d’une grande violence. Si vous êtes une personne intersexe et particulièrement si vous avez subi des violences médicales, je vous conseille de lire la suite dans un moment où vous allez bien et où vous pouvez avoir de la douceur et du réconfort après.

Désénonciations et effet d’obligation
J’aimerais mener une analyse énonciative des discours médicaux, en m’intéressant à la manière dont la présence subjective des médecins est gommée dans les articles médicaux. En effet, les discours sur la binarité, le choix et les opérations du sexe ne se présentent pas comme idéologiques, mais comme objectifs dans la mesure où la présence de l’énonciateur·e n’apparaît pas et où les résultats qui y sont présentés ont été construits selon un protocole scientifique. Suivant des travaux déjà menés sur les discours biologique du sexe (Keller 1992, 1995 ; Martin 1991), mon hypothèse est que cette objectivité des discours de la science, que je vais précisément mettre en question, est l’un des lieux de masquage des idéologies de genre.
Une des mises en place de cette désénonciation consiste, assez logiquement, à la disparition des agent·es de la médecine et de la science dans le discours, rendue possible par des tournures passives (cf. « le sexe définitif est choisi », « le diagnostic est réalisé », etc.)
Cette impression que les choses se font d’elles-mêmes, sans que des agent·es y prennent part par effacement des agents sémantiques, ne se réalise pas simplement dans les constructions passives, mais aussi simplement dans des énoncés où l’agent est absent : « Une augmentation significative de la taille du pénis a alors permis d’orienter l’enfant vers le sexe mâle ». Tous ces procédés consistant à « dire ce qui se fait sans indiquer celui ou celle qui le fait » (Kocourek 1991 : 84) contribuent au phénomène de désénonciation.
L’effacement des agents du discours médical passe également par les tournures impersonnelles (il impersonnel) ou pronominales (souvent associées à des verbes modaux, point sur lequel je reviendrai plus loin). On note des tournures impersonnelles dans ces extraits : « il est possible de proposer un diagnostic », « il est nécessaire de réaliser […] la génitoplastie » et pronominales : « l’exérèse s’impose », [l’indication d’un diagnostic prénatal] se justifie, etc. Ces tournures servent à gommer que ce sont les médecins qui font le diagnostic, la génitoplastie ou l’exérèse. Mais ces tournures font plus que masquer l’agentivité des médecins.
Retirer le sujet de l’énonciation (ici les médecins) permet de faire parler les choses, la vérité toute nue, l’évidence : sous l’instance de l’ordre du discours, il y a donc celle de l’ordre des choses, qui lui donne tout son crédit : si la science est vraie, c’est qu’elle fait en sorte que les choses, à travers elle, se disent vraies, comme d’elles-mêmes. (Ouellet 1984 : 50, mise en gras de l’auteur)
Dans les textes médicaux on relève régulièrement des nominalisations : l’ablation de la gonade, l’élevage dans le sexe féminin , une castration complète, le choix du sexe, la surveillance. Il faut pourtant bien que quelqu’un élève, castre, choisisse, indique ou surveille : mais ces structures actancielles ont disparu de l’énoncé.
Mais cela permet d’exhiber l’« inacceptable » évoqué par Sériot : castrer, enlever une gonade sont des actions sans doute trop violentes pour que la réalisation par un agent soit marquée au niveau syntaxique. Ces proto-énoncés restent alors dans les limbes du discours, qu’ils rendent possibles tout en n’étant jamais actualisés. Cela produit également, encore une fois, l’effet que les choses se font d’elles-mêmes, sont réalisées sans agent·es, correspondent à l’ordre des choses. [si personne n’énonce, il n’y a personne à qui s’opposer et pas de discours alternatif ; visibiliser les sujets d’énociation et proposer des contre-discours incarnés c’est tout l’objet du militantisme intersexe]

Modalités déontiques : l’effet d’obligation
L’assignation d’un sexe, le fait de choisir soit le sexe mâle soit le sexe femelle et de mener des opérations chirurgicales et un traitement afin de faire que le sexe corresponde au sexe assigné sont, on l’a dit, un des enjeux cruciaux de la prise en charge médicale des variations du sexe. Elles en constituent la base idéologique. Cette assignation est toujours présentée comme étant dans l’ordre des choses

Le verbe devoir est très fréquemment employé, que ce soit pour évoquer la nécessité du choix du sexe ou des opérations qui en découlent : On peut tout d’abord noter que les énoncés (13) à (17) présentent une forme passive du verbe modalisé par devoir : Il doit être fait (13), une décision doit être prise (14), elle devra être opérée (15), ces enfants doivent être élevés (16), l’hypospade et la cryptorchidie doivent être opérés (17). C’est cette dissimulation de l’instance énonciative qui donne l’impression que ce sont des circonstances matérielles qui imposent les décisions à prendre. Ces structures ambiguës contribuent à donner l’impression que l’obligation est portée par les choses mêmes, et que la prise en charge de ces enfants ne passe par la médiation de l’équipe médicale et des protocoles qu’elle décide.

Dans ces emplois d’imposer, les sujets grammaticaux ne sont pas agents mais tiennent le rôle sémantique de cause. Ainsi, La présence d’un chromosome Y (18), le sexe d’élevage (19), la découverte d’une anomalie des organes génitaux externes (20) sont des causes qui rendent obligatoires, respectivement, une castration complète, une thérapeutique hormonale, l’assignation d’un genre. L’obligation (l’imposition) n’est donc pas portée par des actant·es humains mais par des phénomènes médicaux, et au niveau sémantique on ne note la présence d’aucun agent. On remarque pourtant que ces énoncés portent tous la présence d’agent·es humain·es dissimulée. Des actions humaines (médicales) sont ainsi ramenées à une cause logique et naturelle. Assigner un sexe et donner un traitement, découvrir une « anomalie » et castrer, deviennent le fruit non pas d’une décision thérapeutique, mais d’une nécessité, d’un ordre du monde. C’est donc à un processus de naturalisation des traitements de l’intersexuation que participe l’utilisation d’imposer : ceux-ci sont rendus nécessaires par la nature même des choses.

Tous ces phénomènes constituent ce que j’appelle un effet d’obligation : c’est-à-dire le fait de constituer des actions réalisées par des humains (ici des médecins) en nécessité, en ordre naturel ; de dissimuler le fait que cet ordre des choses est prescrit par des agent·es et des protocoles et n’est pas un état de choses immuable, une nécessité de la nature ou de la vie. L’effet d’obligation ne constitue pas simplement la dissimulation d’une présence subjective, il remplace la présence subjective par une autre instance qui commande la nécessité

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[Les médecins, des sortes d’hommes invisibles. Ils ne disent pas « Nous coupons des clitoris », mais « Le clitoris a dû être réduit ». Personne n’est responsable des mutilations génitales. C’est bien pratique…]

L’interpellation des sujets hétérosexués
Par ailleurs, les médecins font exister des critères sur ce que seraient des normes de corps, il en est de même par rapport à la sexualité. Voilà notamment deux extraits d’articles médicaux : « Les femmes ayant un syndrome RKH se présentent habituellement avec une aménorrhée primaire et/ou une incapacité d’avoir des rapports sexuels normaux » et « Néanmoins, le micropénis isolé n’entraîne pas toujours des dysfonctions sexuelles majeures, certains patients décrivant de bonnes érections, une sexualité parfois normale et souvent satisfaisante, une vie en couple dans 75% des cas »
Cependant, si cette normalité reste à l’état prédiscursif la plupart du temps, certains observables dans le corpus permettent de lui donner un contenu minimal :
(28) Nous avons étudié 15 hommes adultes porteurs de mutations du récepteur des androgènes, nés avec un hypospade postérieur et un micropénis. Après la puberté, après chirurgie réparatrice de l’urètre, la taille moyenne de la verge était de 4 cm. Aucun de ces patients n’avait de rapport sexuel avec pénétration. C’est l’anatomie des organes génitaux externes qui empêche une vie sexuelle normale, aggravée par des troubles de l’érection liés à l’insensibilité aux androgènes.
(29) Pour les autres patientes, tout est supposé aller normalement. Nous ne partageons pas cet optimisme, au vu des résultats obtenus en discutant de leur adolescence avec des patientes adultes âgées d’une trentaine d’années. La majorité d’entre elles n’ont pas une sexualité normale, plus de 40 % n’avaient eu aucune expérience de pénétration vaginale à l’âge adulte, ce qui sous-entend probablement une sexualité adolescente déjà perturbée.
Dans l’extrait (28), vie sexuelle normale est une reprise anaphorique de rapport sexuel avec pénétration ; dans l’extrait (29), c’est le phénomène inverse : expérience de pénétration vaginale à l’âge adulte reprend anaphoriquement sexualité normale. Ces extraits permettent d’avoir une idée des prédiscours auxquels font appel les segments vie sexuelle normale : à des discours instituant les rapports sexuels comme étant des rapports de pénétration vaginale.

La formation discursive de sexe-genre-sexualité médico-éducative
On observe les mêmes phénomènes langagiers dans le discours des parents que dans le discours médical, et ceux-ci font appel aux mêmes prédiscours. Ainsi, les extraits suivants provenant des forums de parents présentent des phénomènes tels que la disparition des agents, la nominalisation, et la présence de modalités déontiques, déjà mis en évidence dans le discours médical

De la même manière, l’adjectif normal et le terme rapports sont utilisés en faisant appel à des prédiscours de l’hétérosexualité obligatoire, rapports n’étant qualifié cette fois ni de sexuels, ni de normaux :
(48) Nous nous posons de très nombreuses questions. Dabord, pourquoi ? Qu’est-ce qui dans nos gènes ne marche pas… Ensuite, est-ce que le traitement proposé ( corticol ) + intervention chirurgicale donne de bon résultats. Y-a-t-il des effets secondaires ? Les résultats chirurgicaux obtenus à [nom d’hôpital] sont-ils meilleurs qu’ailleurs ? Devons-nous nous préparer à avoir une fillette hirsute, grosse… Pourra-t-elle avoir une vie sentimentale et sexuelle normale, avoir des enfants ?
(49) bonjour [prénom], [prénom féminin] est une petite fille très féminine, elle est très cocotte, mais c’est vrai qu’elle a une force et un punch incroyable aussi. Elle est aussi très en avance par rapport à son âge, ce qui par moment la met à l’écart des autres. Concernant l’opération de votre fille, je pense que comme la maladie est rare, chaque chirurgien tatonne peut être un peu. Moi [prénom féminin] aura des dilatations jusqu’à ce qu’elle est des rapports. Je vous souhaite une bonne journée.

Cependant, on trouve également d’autres adjectifs qui n’étaient pas présents dans le discours médical :
(50) Nous sommes les parents de [prénom féminin] atteint d’hcs avec perte de sel, détecté à la naissance. Notre petite puce est né le [date], et elle se porte très bien. Notre fille a été plusieurs fois hospitalisée surtout pour des gastros. Elle a subi une opération « plastie » pour ses organes génitaux externes (elle avait le clitoris hypertrophiés, le vagin fermer et les lèvres soudées), tout c’est très bien passé, elle a récupérée a une vitesse folle. Aujourd’hui, nous lui faisons une dilatation du vagin tous les jours, afin de passer à un calibre raisonnable quand elle sera plus grande.
(51) Pour ce qui est des dilatations, [prénom féminin] avait egalement une hypertrophie clitoridienne et les grandes levres soudees, pas de vagin. le chirurgien a fait semble t il la meme operation que votre fille, mais je ne sais pas si la taille de son vagin est sufisante comme il dit que tout est parfait? Je poserai la question mais l endocrino va raler comme elle est contre ce genre de site internet, qui lui enleve le pouvoir de la connaissance.
On note l’utilisation d’autres adjectifs évaluatifs non axiologiques ici : suffisant et raisonnable, le premier pour qualifier la taille du vagin (51), le deuxième pour qualifier le calibre de la bougie utilisée pour les dilatations (50). Ceux-ci font également appel à des prédiscours : le calibre raisonnable [de la bougie], fait appel à un prédicours concernant la taille d’un pénis ; quant à la taille du vagin suffisante, cela fait appel à un prédiscours sur le vagin pénétré par un pénis. Encore une fois, ce sont les discours de l’hétérosexualité pénovaginale obligatoire qui servent à remplir des adjectifs creux sémantiquement en tant que leur fonctionnement est de faire appel à une norme prédiscursive.

Le genre et ses stéréotypes
Avant de clore ce chapitre, j’aimerais consacrer une section à la question des stéréotypes de genre et à la hiérarchie établie entre les sexes dans les discours.
La tendance chirurgicale en matière de variations du sexe est de faire des petites filles quand il n’est pas possible d’obtenir un pénis pénétrant, un vagin étant considéré comme plus facile à faire qu’une verge (Guillot 2008). Cette idée se matérialise dans les discours de manière tout à fait explicite :
(52) L’exstrophie vésicale est une malformation rare du pelvis, survenant pendant l’embryogenèse, et associée chez les garçons à l’absence quasi complète de pénis. Pour cette raison, depuis 25 ans, les urologues américains ont proposé aux parents de ces patients un choix de sexe féminin.
De plus, si sexes féminins et masculins sont envisagés à l’aune de l’hétérosexualité future des enfants, la question des sensations sexuelles (ou plutôt de leur absence) est inexistante pour les deux sexes (je pensais qu’elle apparaîtrait au moins dans le cas des sexes masculins).

Construction des identités et catégorisations des sexes

Article basé sur le chapitre 3 de la thèse en sciences du langage de Noémie Marignier intitulée « Les matérialités discursives du sexe – La construction et la déstabilisation des évidences du genre dans les discours sur les sexes atypiques »

Pas d’identité ou de mots évidents pour se définir
Les manières dont les personnes ayant une VDS vont se catégoriser et parler d’elles-mêmes sont extrêmement variables. Je fais l’hypothèse qu’étudier la variation de ces productions identitaires permet une approche des différents vécus de l’intersexuation dans la société (ici française et francophone du Nord), mais aussi des différentes manières de construire l’intelligibilité du sexe et plus largement les rapports de genre. En effet, si dans le chapitre précédent je me suis intéressée à la manière dont les variations du sexe étaient nommées et catégorisées par les médecins, il faut également considérer qu’elles sont vécues par des acteurs du monde social, et à ce titre, elles sont prises dans des réseaux de représentations et de sens. Les variations du sexe, comme je le montrerai dans ce chapitre, ne doivent donc pas être envisagées simplement comme une question de physiologie ou de psychologie d’individus isolés. Bien au contraire, elles peuvent être un observatoire de la manière dont les acteurs sociaux conçoivent le sexe, mais aussi le rendent pertinent dans leurs activités, et finalement construisent en discours du social sexué. Dans ce cadre, produire une identité intersexe, c’est se situer dans la société, c’est contribuer à véhiculer, mais aussi à construire les représentations et rapports de genre.

Tout d’abord il faut considérer que les identités des personnes ayant une VDS (j’utiliserai à présent identité VDS pour identité de porteur ou porteuse d’une variation du développement du sexe) ne sont pas stables ou données d’avance, encore moins essentielles : il n’existe pas une identité intersexe qui découlerait « naturellement » du fait d’avoir un sexe atypique.
De plus, la production de l’identité est co-construite par les acteurs du monde social : on ne produit pas une identité VDS seul·e mais bien en fonction des relations entretenues au sein d’un groupe ou d’une communauté de pratiques

Se dire, se catégoriser (soi ou un groupe) et catégoriser l’autre sont un des moyens par lesquels on contribue à exercer une puissance à travers le langage, ce que Duranti appelle « l’ego affirming agency ».

Deux formations discursives distinctes
Les espaces numériques des VDS s’inscrivent et créent deux formations discursives distinctes, l’une reliée à la sphère médico-éducative, c’est la FD de sexe-genre-sexualités « nosographique » dans laquelle les individus sont interpellés en homme et en femme et par le nom de leur syndrome, l’autre reliée à une critique de la première, et plus largement aux mouvements LGBT et/ou queer, c’est la FD de sexe-genre-sexualité « intersexe ». En son sein, les mots ne veulent pas dire la même chose, et les interpellations ne sont pas les mêmes.

Le syndrome est constitué comme une entité disjointe du sujet : le syndrome « atteint » le sujet qui est donc construit linguistiquement comme ayant une existence en dehors de lui. C’est finalement l’extériorité du syndrome (et sa relative autonomie) face au sujet qui est exprimée

On voit ici des manières différentes de mettre en mot sa condition de porteur·se de VDS. Sur les forums nosographiques, la tendance est à exprimer le syndrome comme étant subi (être atteint de X, avoir X), sur les forums intersexes on note une expression identitaire de la variation du sexe, faisant d’intersexe une catégorie de dénomination de la personne (rarement retrouvée sur les forums nosographiques). Ces manières de se référer à sa condition reflètent différentes conceptions des VDS : l’une plus pathologique (« nosographique ») où le syndrome est ce que l’on subit, et l’autre plus identitaire où la variation est ce que l’on est.

Normes des catégories identitaires sur les forums
Les pratiques de présentation de soi varient beaucoup selon que l’on se trouve sur un forum nosographique ou sur un forum intersexe. Ces pratiques langagières sont de plus soumises à des évaluations par les autres internautes : la présentation de soi obéit à des normes qui peuvent notamment être observées dans les discours.
A : bonjour à toutes,et tous je m’appelle [prénom féminin], j’ai bientôt 25 ans…
je suis atteinte du klinefelter.
B : Non tu n’est pas atteinte du klinefelter car ce n’est pas une maladie, c’est juste une variation normale et fréquente de l’humanité!
B après avoir accueillie A, remet en question sa manière de se catégoriser : non tu n’est pas atteinte de Klinefelter. La manière de se présenter tout à fait classique sur le forum Klinefelter (je suis atteinte du Klinefelter) est donc considérée comme problématique sur le forum Intersexions (et vice-versa).

La présentation de soi est soumise à des normes internes aux communautés. Ce traitement normatif de la présentation n’est pas étonnant. Comme l’a montré Butler, rendre compte de soi, c’est toujours se rendre lisible : il n’y a donc pas de production de soi qui n’obéisse pas à des normes même alternatives (Butler 2007). Si de nouvelles manières de se présenter, de nouvelles catégories ou des catégories alternatives sont créées (notamment par les personnes intersexes), leur emploi obéit à un certain cahier des charges.

Comme on vient de le voir, les identités VDS ne peuvent pas être essentialisées : elles sont le produit d’une élaboration discursive et avoir un sexe atypique ne prédétermine pas telle ou telle construction identitaire. Si les sexes atypiques troublent les normes corporelles, les identités VDS peuvent parfaitement s’inscrire dans les normes de genre : ainsi un grand nombre de porteur·es se considèrent comme des hommes ou des femmes sans remise en question ni de leur genre ni du genre.

Cette section porte donc sur la manière dont sont mises en discours et négociées les catégories de femme et d’homme, sur les rapports qui sont établis entre corps, sexe et identité, sur les processus de naturalisation et de dénaturalisation des identités.

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Les mots homme et femme sur les forums nosographiques
Sur les forums Klinefelter, MRKH et SIA, les internautes se catégorisent comme homme ou femme, sans que la distinction (et l’opposition) entre ces deux catégories binaires soit remise en question. Cependant, la manière dont ces catégories vont être traitées montre que leur adéquation avec l’identité des locuteur·es va être considérée comme problématique par ceulles-ci.
(24) MRK-B15 Moi c’est [prénom féminin], j’ai 25 ans. Moi aussi je commence juste à me dire que « oui je suis une vrai femme », même s’il y a encore bcp de coup de blues. Pas facile de ne pas avoir d’uterus, pas de regles, pas pouvoir etre enceinte et de se sentir femme comme les autres.
(25) MRK-B35c Moi je ne l’ai pas eu et ne l’aurait jamais [le moment des premières règles] et par conséquent je ne me sens et ne me sentirais jamais comme étant « une vraie femme »…
(26) KL-E58 En effet tout n’est pas lié au syndrome, mais je pense que ton copain se cherche lui même : c’est-à-dire qu’il essaie de se prouver qu’il est un « vrai homme », car il doit penser le contraire par moment.

Ici il ne s’agit pas uniquement d’une qualification en termes de vrai ou faux d’homme ou femme, mais également en termes de complétude: mi-femme, totale, femme incomplète (il s’agit de femmes qui n’ont pas d’utérus, et souvent pas de vagin). Là encore, c’est la discrétion des catégories d’homme et de femme qui est en jeu : si, au niveau anatomique on peut considérer que le corps féminin est fait de parties (et donc que le corps de femme — c’est-à-dire de femelle humaine — est plus ou moins complet, voir chapitre 2), au niveau identitaire cette acception est plus difficile à concevoir. Or ces énoncés se placent bien au niveau identitaire (psychologique), puisqu’il s’agit de ce que ces femmes pensent d’elles (ce que j’ai pensé de moi, penser ça de moi). La locutrice en (28) semble jouer de cette polysémie de femme. Si c’est bien son identité de femme qu’elle évoque (ce que j’ai pensé de moi), elle le fait en jouant sur la polysémie du mot femme, évoquant l’anatomie ou en tout cas la matérialité du corps de femme (incomplet, petits bouts) tout en se référant à l’identité ressentie de femme. Dans cet exemple (28), les frontières entre sexe et genre sont brouillées en ce que l’identité est traitée de manière méronymique, c’est-à-dire comme le corps.

On voit donc que les catégories homme et femme ne sont pas en tant que telles remises en question. Aucune nouvelle catégorie n’est créée, mais les locuteur·es produisent des jeux sur le sens d’homme et femme et sur la manière de qualifier ces substantifs. D’autre part, si ces catégories ne sont pas remises en question, les locuteur·es montrent toutefois leur inadéquation par rapport à leurs vécus. Deux stratégies sont mises en place au niveau discursif : établir des degrés de vérité (vraie femme, vrai homme), ou de manière très intéressante fractionner (et matérialiser) l’identité : l’identité de femme serait non une totalité, une entièreté, mais des morceaux à récupérer et à assembler.

Les mots sont politiques, une conviction chez les intersexes
Sur le forum Intersexions, la production discursive des identités va fonctionner autrement, et les catégories d’homme et de femme vont être traitées de manière très différente. En effet, une des idées portées par le militantisme intersexe est que les sexes, mais aussi les identités, ne sont pas binaires, et que la bicatégorisation homme/femme ne permet pas de saisir toutes les nuances d’identités de genre qui peuvent exister. Le militantisme intersexe va donc précisément critiquer la naturalité des catégories binaires. Cette critique va alors s’exprimer dans les présentations de soi des personnes intersexes :
(41) IS-8 bonjour , je me presente je suis [prénom féminin] , 23 ans , vivant [nom de région] je suis née et classifier en tant que garcon
(42) IS-5 J’ai 30 ans, j’habite à [nom de ville]. Je suis pseudo-hermaphrodisme 46xy, donc assigné femme comme c’est souvent le cas.

L’assignation du sexe est ici exhibée : classifier en tant que garcon (41), assigné femme (42). Les catégories d’homme et de femme ne sont pas ici essentialisées, mais au contraire sont données à lire comme étant le fruit d’une activité langagière d’assignation des corps. Classifier et assigner font des catégories femme et homme des entités discursives, et les donnent à lire en tant que telles. De plus, le caractère répété de cette pratique de classification est mis en valeur : comme c’est souvent le cas. Contrairement à ce que l’on observait dans les énoncés produits sur les forums nosographiques, ce sont bien les catégories en elles-mêmes qui sont montrées comme construites, et pas simplement le processus d’identification à ces catégories.
On note dans ces extraits l’utilisation de formes passives : je suis […] assigné, je suis […] classifier, où l’agent est absent mais qui exhibent le fait que l’assignation- classification est un processus, processus qui a précisément été réalisé sur le sujet sans qu’il en soit l’agent.

Comment la dénomination « intersexe » qui a émergé dans l’univers médical a pu être reprise par des militant·es qui critiquent justement la médicalisation des sexes atypiques ?
Au début du militantisme intersexe, ce sont les dénominations intersexe et hermaphrodite qui sont utilisées par les militant·es états-unien·es. Ainsi la première association d’intersexes s’appelle l’Intersex Society of North America. Ce militantisme hérite donc de la terminologie médicale.

Koyama fait ici référence à une politique de resignification du stigmate. Butler explique qu’un terme insultant comme queer peut être utilisé par ceulles que le terme insulte dans une politique de resignification du stigmate : il s’agit notamment d’utiliser ces mots pour se définir ; ainsi la charge insultante du mot est désamorcée. De plus, cela permet d’exhiber le stigmate et de le « retourner » : ce pour quoi on est stigmatisé est alors exhibé, énoncé en première personne, et constitué en fierté. L’utilisation du terme intersexe ou hermaphrodite par les militant·es intersexes se place dans cette perspective : face à une communauté médicale qui les a catégorisé·es intersexes pour montrer le caractère anormal voire monstrueux et déviant de leurs corps, les intersexes se réapproprient le terme pour montrer leur fierté de leurs corps et de leurs identités qui transgressent la bicatégorisation. Une des conséquences de cette resignification est de construire une puissance d’agir discursive (agency) en déjouant la stigmatisation portée par le terme insultant.

Hinkle explique ce qu’il considère comme une stratégie de la division de la communauté intersexe par la multiplication des dénominations. La conséquence de l’emploi de DSD est que les individus vont être classés en syndromes (les différents disorders) ce qui va rendre plus difficile de trouver un consensus entre individus, mais aussi plus difficile de créer une communauté. Il y a donc une dépolitisation, une division du mouvement intersexe par la multiplication des dénominations chapeautées par l’hyperonyme DSD selon Hinkle

Nommer le sexe et ses variations en médecine francophone

[Article basé sur le chapitre 2 de la thèse en sciences du langage de Noémie Marignier intitulée « Les matérialités discursives du sexe – La construction et la déstabilisation des évidences du genre dans les discours sur les sexes atypiques »]

Introduction
Étudier les discours de l’intersexuation, c’est se donner la possibilité de comprendre quelles positions subjectives sont construites, quelles normes, stéréotypes et représentations des sexes circulent dans les discours, quelles catégories sont mobilisées ou créées pour parler des sexes — et plus largement comment se constituent les sens du sexe et de l’intersexuation. En prenant pour point de départ l’idée selon laquelle le sexe n’est pas un donné déjà-là évident et naturel, il est alors possible de mener une analyse de discours afin d’étudier comment les discours contribuent à créer et représenter la réalité sociale de l’intersexuation et à construire ce qui relève du normal et de l’anormal sexué.

Le pouvoir médical c’est aussi le pouvoir de nommer
la mise en discours et en mots des variations du sexe a longtemps été un privilège médical, et c’est encore aujourd’hui un lieu particulièrement prolifique de production discursive sur le sexe, ainsi qu’un lieu très important de (bio)pouvoir sur les corps (Foucault 1976, 1997). Il s’agit donc de partir des discours médicaux pour comprendre comment ont été forgées les dénominations des variations du sexe et comment s’organisent leurs significations.

Les discours sur le sexe et la sexualité visent à contrôler et produire les sujets. Foucault montre que la médecine est au cœur de ce dispositif de savoir/pouvoir, et que la production de discours médicaux et techniques sur le sexe et les comportements sexuels va devenir extrêmement abondante à partir du XVIIIe siècle. C’est dans ce contexte que le mot sexualité apparaît au XIXe, suivi rapidement par homosexualité, dans cette période de production abondante de discours et de savoirs sur le sexe et la sexualité. Rien d’étonnant donc à ce qu’intersexualité apparaisse peu après, dans une époque qui cherche la vérité de la sexualité et qui s’interroge dans ce cadre sur le « vrai sexe ». L’apparition d’intersexualité se situe donc dans la période qui suit le XIXe siècle, période qui a vu se généraliser les discours sur le sexe comme instrument de pouvoir.

La signification du terme intersexualité apparaît immédiatement comme instable : il n’existe pas de consensus quant aux conditions physiologiques qu’il désigne. Si pour certains médecins il doit être réservé aux cas d’« ambiguïtés génitales », c’est-à-dire qu’il doit uniquement servir à désigner des organes génitaux qui sont difficilement assignables soit au sexe mâle soit au sexe femelle, d’autres l’emploient plus largement pour parler de toute variation du sexe, quand bien même celles-ci ne présentent pas de difficulté d’assignation (syndrome de Turner, hypospade) (Feder & Karkazis 2008 : 34).

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Changement de vocabulaire : le « consensus » de Chicago
Depuis le début du XXIe siècle (la période que j’étudie), les termes intersexe et intersexualité ne sont presque plus utilisés par les médecins en France. Cette disparition est le fruit d’un changement terminologique opéré par la communauté médicale internationale. En effet, pour comprendre les enjeux de cette disparition, il faut se tourner vers les Etats-Unis où un débat complexe a abouti au remplacement d’intersexuality par Disorder of Sex Development : cette situation états-unienne a en retour affecté les pratiques dénominatives des médecins français et plus généralement francophones.
En 2005, à Chicago, a lieu une conférence où se réunissent une cinquantaine de médecins et deux militant·e·s intersexes (dont Cheryl Chase fondatrice de l’Intersex Society of North America (ISNA), principale association intersexe à l’époque) (Reis 2007). Il s’agit d’une « conférence de consensus » : les médecins y discutent de la prise en charge médicale de l’intersexuation, s’informent des nouvelles connaissances sur le développement du sexe et des nouvelles techniques médicales, tout cela afin qu’ils puissent s’accorder sur des principes généraux de traitement des patient·es. Cette conférence a lieu alors que le militantisme intersexe est déjà bien ancré aux Etats-Unis : l’ISNA a été fondé 12 ans plutôt, en 1993, et ses revendications (ne pas pratiquer systématiquement la chirurgie, ne pas marginaliser les enfants intersexes) commencent à être entendues et sont également relayées par des universitaires, comme Kessler (1998), anthropologue, ou Dreger historienne des sciences particulièrement intéressée par les questions de bioéthique. Cette relative médiatisation conduit les médecins à se remettre en question sur certaines de leurs pratiques (Karkazis 2008 : 258).
Lors de cette conférence dont les échanges seront transcrits dans un article (« Consensus Statement on Management of Intersex Disorders » ou « Chicago Consensus ») paru notamment dans la revue Pediatrics – Official Journal of the American Academy of Pediatrics, la question de la dénomination des variations du développement sexe est largement soulevée. Deux raisons principales sont données en ce qui concerne la remise en question des précédentes dénominations (notamment intersex et hermaphrodite) : d’une part, ces dénominations sont devenues obsolètes par rapport aux avancées médicales et ne permettent pas de nommer avec précision les variations du sexe ; d’autre part, elles sont jugées stigmatisantes et choquantes par les parents des enfants intersexes. C’est la raison pour laquelle les médecins choisissent de nommer DSD (Disorders of Sex Develoment), les variations du sexe.

Machado considère que ce changement de dénomination obéit plutôt à la première raison : il s’agit de changer la dénomination, car le sexe est désormais considéré par les médecins comme une question génétique, bien plus que comme une question d’organes (Machado 2006 : 13)

Ce qui est reproché à hermaphrodite et intersex, c’est d’être des noms catégorisant des personnes et pas des noms désignant des conditions physiologiques (on a un DSD alors qu’on est intersexe/hermaphrodite). Selon le Consensus Statement, le terme DSD est en ce sens préférable, car il permet d’éviter les généralisations sur la personne (« avoiding generalisations ») ou de catégoriser l’essence de l’individu (« make a statement about the person as a whole »). On verra plus loin que c’est précisément cet aspect du sens de la dénomination qui a pu être critiqué.

L’adoption du terme par l’ISNA, considérée comme une concession inacceptable au monde médical, a notamment donné naissance à l’Organisation Internationale des Intersexué-es (OII), qui voulait poursuivre les revendications que l’ISNA/Accord Alliance n’endossait plus. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au chapitre suivant.

Le fait que la principale association d’intersexes et le monde médical s’accordent sur une dénomination a contribué à ce que celle-ci s’impose largement. Ainsi, aux États-Unis, le terme DSD a désormais remplacé intersex dans la communauté médicale : celui-ci est revenu à sa désignation première du sexe des poissons et des mouches et n’est plus employé par les biologistes et les médecins pour parler des humains. C’est également celui qui est employé par les parents, que ce soit à cause du contact avec le milieu associatif ou avec le milieu médical.

Idéologie, choix des mots et construction du réel
Se concentrer sur les dénominations s’explique par le fait que le nom est l’outil privilégié par lequel les sujets parlants organisent leur rapport au réel. Comme l’explique Siblot :
Il[le nom] est l’outil linguistique dans lequel la relation du langage au réel est la plus manifeste parce que c’est la fonction même de la catégorie nominale que de la réaliser. (Siblot 1997 : 41)
J’adopte ici une démarche constructiviste et dynamique de la nomination : il ne s’agit pas de considérer que les catégories sont données une fois pour toutes ou que les noms entretiennent un rapport évident et transparent avec les objets qu’ils nomment. Les dénominations nous livrent plutôt les représentations que nous nous faisons du réel

Dans ce cadre, l’étude des dénominations médicales du sexe et de ses variations informe moins sur la matérialité du sexe que sur la manière dont les médecins la considèrent, l’appréhendent et l’organisent.

Ce qui frappe à l’étude de la littérature médicale sur les variations du sexe, c’est la variété des dénominations employées. Il n’y a pas de réel consensus quant à une terminologie partagée par le monde médical, ce qui peut paraître étonnant : les communautés scientifiques s’accordent en général sur des termes précis pour parler des objets sur lesquels elles travaillent (Mortureux 2008 : 131).

Tout d’abord, si l’on considère l’hyperonyme dénommant les différents phénomènes de variations du sexe (le « terme parapluie »), on retrouve une très grande variété de dénominations différentes. Ainsi, dans le sous-corpus constitué des articles généraux sur les variations du sexe (21 articles), on relève 22 dénominations différentes, soit plus que d’articles : ADS (anomalie de la différenciation sexuelle*), ambiguïté sexuelle, ambiguïté génitale, anomalies congénitales génito-sexuelles, anomalie de l’appareil génital, anomalie de la différenciation sexuelle, anomalie des organes génitaux externes, anomalie des OGE, anomalie du développement sexuel, anomalie génitale, anomalie touchant les organes génitaux, désordre de la différenciation sexuelle, DSD, état intersexué, hermaphrodismes, intersexualité, « inversions sexuelles », malformation génitale, malformations sexuelles congénitales majeures, pathologies de la détermination et de la différenciation sexuelle, « réversion sexuelle », troubles du développement du sexe.

On remarque que l’adjectivation sexuel·e est presque toujours préférée au complément du nom du sexe alors même qu’elle est plus polysémique. En effet, sexuel·e peut référer aussi bien au sexe comme organe, qu’au sexe comme pratique, alors même que du sexe désambiguïse le syntagme en ce que le groupe prépositionnel ne peut porter que sur la matérialité corporelle et pas sur la sexualité. L’adjectif sexué·e n’est d’ailleurs jamais utilisé.

Les différentes conditions intersexes sont formées selon trois modèles.
a) Les dénominations formées à partir du nom du médecin qui a découvert la pathologie, classiques en médecine. Ils prennent le plus souvent la forme Syndrome de X : syndrome de Turner, syndrome de Klinefelter, syndrome de Swyer, syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser. Dans ce cas la dénomination ne renvoie à aucun élément corporel.
b) Les dénominations formées à partir d’un nom portant le sème /+ dysfonctionnement/ associé à un nom ou adjectif référant à une partie du corps ou à une substance corporelle (enzyme, hormone) : insensibilité aux androgènes, hyperplasie (congénitale) des surrénales, dysgénésie gonadique (mixte), déficit en 5 α-réductase, etc. Insensibilité, hyperplasie, dysgénésie. Ces dénominations comportent toutes un préfixe indiquant le manque (in-, dys-) ou au contraire l’excès (hyper-). Il est intéressant de noter que si une référence au corps est faite dans ces dénominations, il ne s’agit jamais des organes génitaux externes. Ici aussi, la physiologie tend à disparaître des dénominations employées (à l’exception de dysgénésie gonadique). Ces dénominations peuvent être siglées : SIA, HCS, etc.
c) Enfin, on retrouve un petit groupe de dénominations faisant directement référence au genre et à la binarité mâle/femelle et aux organes sexuels ou reproducteurs : homme à utérus (rare) et testicule féminisant (en voie de disparition). Ce dernier réfère à la même condition intersexe que l’insensibilité aux androgènes listée plus haut. On note que ces dénominations associent un terme portant le sème /+ mâle/ (homme, testicule) et un terme portant le sème /+ femelle/ (féminisant, utérus).

Conclusion
Comme on a pu le voir dans ce chapitre, les mots du sexe, leurs définitions et ce qu’ils désignent, sont extrêmement variables dans le discours médical, alors même qu’on aurait pu s’attendre à une certaine stabilité dénominationnelle dans un discours scientifique. On a pu néanmoins dégager plusieurs éléments : ce qui semble fonder le sens du sexe, ce sont les organes visibles du sexe (pénis, testicules, lèvres, clitoris). Les dénominations et taxinomies des variations du sexe semblent donc s’organiser autour de ce visible, malgré l’importance donnée aux chromosomes et aux gonades dans les discours. De même, un privilège est accordé au sexe mâle, qui constitue le seul développement positif du sexe, la « féminisation » n’étant jamais mise en mots. Ces analyses sont alors un premier pas vers une compréhension idéologique de ce que signifie le sexe dans l’univers médical : cette dimension sera abordée de manière plus étroite dans les chapitres 4 et 5.